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que je n’avois point prévue. L’effet ne me devint même sensible que lorsque déja les ténèbres m’environnoient. Je ne distinguois plus qu’un petit point brillant que l’ombre rapide alloit bientôt couvrir. Une nuit profonde arrête mes pas. Je ne puis discerner aucun objet. J’erre ; je tourne cent fois ; la porte fuit : des nuages s’assemblent, l’air siffle, un tonnere lointain se fait entendre, il arrive avec bruit sur les aîles enflammées de l’éclair. Mes idées se confondent. Je frissonne, je trébuche sur des monceaux d’ossemens ; l’effroi précipite mes pas. Je rencontre une fosse qui attendoit un mort ; j’y tombe. Le tombeau me reçoit vivant. Je me trouve enseveli dans les entrailles humides de la terre. Déja je crois entendre la voix de tous les morts qui saluent mon arrivée. Un frisson glacé me pénètre ; une sueur froide m’ôte le sentiment, je m’évanouis dans un sommeil létargique.

Que n’ai-je pu mourrir dans ce paisible état ! J’étois inhumé. Le voile qui couvre l’éternité seroit présentement levé pour moi. Je n’ai point la vie en horreur ; j’en sais jouir, je m’applique à en faire un digne usage, mais tout crie au fond de mon ame que la vie future est préférable à cette vie présente.

Cependant je reviens à moi. Un foible jour commençoit à blanchir la voûte étoilée. Quelques rayons sillonoient le flanc des nuages : de degrés en degrés, ils recevoient une