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brûlans où la matiere se fond & se dissout, où l’or s’épure & se sépare à jamais du vil métal. Les dépouilles terestres tombent, l’ame s’élance dans sa beauté originelle. Pourquoi donc jetter un œil d’effroi sur ces restes que l’ame a habités ? Ils ne doivent offrir que l’image heureuse de sa délivrance : un temple antique conserve de sa majesté jusque dans ses ruines.

Pénétré d’un saint respect pour les débris de l’homme, je descends sur cette terre parsemée de cendres sacrées de mes frères. Ce calme, ce silence, cette froide immobilité, tout me disoit : ils reposent ! J’avance, j’évite de fouler la tombe d’un ami, sa tombe encore labourée par la bêche qui creusa la fosse. Je me recueille pour honorer sa mémoire. Je m’arrête. J’écoute attentivement, comme pour saisir quelques sons échappés de cette harmonie céleste dont il jouit dans les cieux. L’astre des nuits en son plein éclairoit de ses rayons argentés cette scène funèbre. Je levois mes regards vers le firmament. Ils parcouroient ces mondes innombrables, ces soleils enflammés, semés avec une magnificence prodigue ; puis ils retomboient tristement sur ce cercueil muet où pourissoient les yeux, la langue, le cœur de l’homme qui conversoit avec moi de ces sublimes merveilles, & qui admiroit le fabricateur de ces pompeux miracles.

Tout à coup survint une éclipse de lune