Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/19

Cette page a été validée par deux contributeurs.
7
QUATRE CENT QUARANTE.

Vos temples scandalisent plus qu’ils n’édifient. On en fait des lieux de passage & quelquefois pis. On ne s’y assied que pour de l’argent : indécent monopole dans un lieu saint où tous les hommes devant l’Être Suprême doivent se regarder, au moins, comme égaux entre eux.

Si vous copiez d’après les Grecs et les Romains, vous n’avez pas seulement l’esprit de vous tenir dans leur genre ; vous gâtez leur manière qui est simple & noble ; vous la gâtez, dis-je, vous la défigurez par la petitesse de vos vues, & par cette fureur puérile que vous avez tous pour le joli. Vous avez quelques piéces de théâtre qui sont des chef-d’œuvres. Si sur leur lecture il me prend envie de les aller voir représenter, je ne les reconnois plus.

Vous avez trois petits théâtres sombres & mesquins. Dans le premier on chante à grands fraix ; on vous étourdit magnifiquement, & le ridicule machiniste prodigue

    ans. On auroit dû les placer bien loin hors des murs. Qu’a-t-on fait ? On les a mis au centre de la ville, & dans la crainte apparemment qu’ils ne fussent pas assez fréquentés, on les a entourés de boutiques & de marchands. C’est un tombeau toujours ouvert, toujours rempli, toujours vuides. Nos petites-maîtresses vont prendre sur les ossemens pourris d’un milliard de morts la mesure de leurs pompons & de leurs autres colifichets.