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le mépris de la mort. Au lieu de ces têtes décharnées qui couronnoient vos sarcophages, on voit ici des têtes qui ont un air riant ; c’est sous cet aspect que nous considérons le trépas. Personne ne s’afflige sur leurs cendres insensibles. On pleure sur soi, & non sur eux. On adore en tout la main de Dieu qui les a retirés du monde. Soumis à la loi irrévocable de la nature, pourquoi ne pas embrasser de bonne volonté cet état paisible qui ne peut qu’améliorer notre être[1] ?

Ces corps vont être réduits en cendre à trois milles de la ville. Des fourneaux toujours allumés à cet usage consument ces dépouilles mortelles. Deux ducs & un prince sont enfermés dans le même char avec de simples citoyens. À la mort toute distinction cesse, & nous ramenons cette égalité que la nature a mise parmi ses enfans. Cette sage coutume affoiblit dans le cœur du peuple l’horreur du trépas, en même tems qu’elle interdit l’orgueil aux grands. Ils ne sont tels que par leurs vertus : tout le reste s’efface ; dignités, richesses, honneurs. La matière corruptible qui composoit leurs corps

  1. L’homme qui a une crainte excessive de la mort, si ce n’est pas une femelette, c’est à coup sûr un méchant.