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rut jamais si grand que dans l’instant où, pour épargner quelque peine à ses hôtes, son bras victorieux porte une pile d’assiettes. Le peuple battoit des mains avec transport ; car en applaudissant aux traits de bonté & de grandeur d’ame du monarque, c’étoit son propre roi qu’il combloit d’applaudissemens.

Je sortis fort satisfait : mais, dis-je à mon guide, ces acteurs sont excellens, ils ont de l’ame, ils sentent, ils expriment, ils n’ont rien de gêné, de faux, de gigantesque, d’outré. Jusqu’aux confidens représentent comme ils le doivent. En vérité cela m’édifie : un confident remplir son rôle ! — C’est, me répondit-il, que sur le théâtre, comme dans la vie civile, chacun met sa gloire à bien faire son emploi ; quelque mince qu’il soit, il devient glorieux dès qu’on y excelle. La déclamation est parmi nous un art important & cher au gouvernement. Héritiers de vos chef-d’œuvres, nous les avons joués dans une perfection qui vous étonnera. On se fait honneur de savoir rendre ce que le génie a tracé. Eh ! quel plus bel art que celui qui peint, qui rend toutes les nuances du sentiment, avec le regard, la voix & le geste ! Quel ensemble harmonieux & touchant, & quelle énergie lui prête sa simplicité ! — Vous avez donc bien changé les préjugés. Je me doute que les comédiens ne sont plus avilis ? — Ils ont cessé de l’ê-