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L’humanité radieuse levoit son front touchant au milieu de ces femmes humbles & humiliées. Je remarquai que le statuaire avoit donné à son visage les traits de cette nation libre & courageuse qui avoit brisé les fers de ses tyrans. Le chapeau du grand Tell ornoit sa tête[1] ; c’étoit le diadème le plus respectable qui ait jamais ceint le front d’un monarque. Elle sourioit à l’auguste philosophie, sa sœur, dont les mains pures & blanches étoient étendues vers le ciel qui la regardoit d’un œil plein d’amour.

Je sortois de cette place, lorsque vers la droite j’apperçus sur un magnifique piedestal un negre, la tête nuë, le bras tendu, l’œil fier, l’attitude noble, imposante. Autour de lui étoient les débris de vingt sceptres. À ses pieds on lisoit ces mots : Au vengeur du nouveau monde !

  1. Si Platon revenoit au monde, ses regards tomberaient, sans doute, avec admiration sur les républiques Helvétiques. Les Suisses ont excellé dans ce qui fait l’essence des républiques, c’est à-dire, dans la conservation de leur liberté sans rien entreprendre sur celle des autres. La bonne foi, la candeur, l’amour du travail, cette alliance avec toutes les nations qui est unique dans l’histoire, la force & le courage entretenus dans une paix profonde, malgré la différence des religions, voilà ce qui devroit servir de modele aux peuples & les faire rougir de leur extravagance.