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pagnoit la voix de ce grand peuple, & sembloit le chant des immortels qui se mêloit aux vœux publics. Personne n’entroit ni ne sortoit pendant la priére. Aucun Suisse grossier, aucun quêteur importun ne venoit interrompre le recueillement des fidèles adorateurs. Tous les assistans étoient frappés d’un religieux & profond respect ; plusieurs étoient prosternés, le visage contre terre. Au milieu de ce silence, de ce recueillement universel, je fus saisi d’une terreur sacrée : il sembloit que la divinité fût descendue dans le temple & le remplissoit de sa présence invisible.

Il y avoit des troncs aux portes pour les aumônes, mais ils étoient placés dans des passages obscurs. Ce peuple savoit faire des œuvres de charité sans le besoin d’être remarqué. Enfin dans les momens d’adoration le silence étoit si religieusement observé, que la sainteté du lieu, jointe à l’idée de l’Être Suprême, portoit dans tous les cœurs une impression profonde & salutaire.

L’exhortation du Pasteur à son troupeau étoit simple, naturelle, éloquente par les choses encore plus que par le style. Il ne parloit de Dieu que pour le faire aimer ; des hommes, que pour leur recommander l’humanité, la douceur & la patience. Il ne cherchoit point à faire parler l’esprit, tandis qu’il devoit toucher le cœur. C’étoit un père qui conversoit avec ses enfans sur le parti qui leur étoit le plus convenable de prendre. On étoit d’au-