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Je n’ai pas besoin de vous dire que nos respects les accompagnent pendant leur vie & après leur mort ; & comme notre plus vive reconnoissance seroit insuffisante, nous laissons à l’auteur de tout bien cette dette immense à acquitter, persuadés qu’il est le seul qui sache la juste mesure des récompenses méritées.

Tels sont les saints que nous vénérons, sans croire autre chose sinon qu’ils ont perfectionné la nature humaine dont ils sont l’honneur. Ils ne font d’autres miracles que ceux dont je viens de vous entretenir. Les martyrs du christianisme avoient assurément leur dignité. Il étoit beau, sans doute, de braver les tyrans des ames, de souffrir la mort la plus horrible, plutôt que d’immoler le sentiment intime d’une vérité qu’on a adoptée de cœur & d’esprit : mais qu’il y a plus de grandeur à consacrer une vie entière à des ouvrages renaissans & serviles, à se rendre les bienfaiteurs perpétuels de l’humanité affligée & plaintive, à sécher toutes les larmes qui coulent[1],

  1. Un conseiller au parlement, dans le siécle dernier, avoit donné tout son bien aux pauvres : n’ayant plus rien il quêtoit par-tout pour eux. Il rencontre dans la rue un traitant, s’arrache à lui, le poursuit, en disant : quelque chose pour mes pauvres, quelque chose pour mes pauvres. Le traitant résiste & répond la formule ordinaire : je ne puis rien pour eux. Monsieur, je ne puis rien. Le conseiller ne le quitte pas,