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De mon cœur étouffant les trop justes regrets,
Y chercher une place à de nouveaux forfaits ?
Viens-tu me demander encor quelque vengeance ?

ALY.

Ciel !…

BOABDIL, avec colère.

              Qui t’avait donné ta fatale puissance ?
À mes pas attaché, comme l’ange du mal,
Dis, par quel talisman, quel prestige infernal,
Fascinais-tu mes yeux dans ta cruelle adresse ?
Ah ! ta seule magie était dans ma faiblesse.
J’avais pris mon orgueil pour ma force, et de moi
Tu n’as fait qu’un tyran, tu n’as pas fait un roi.
Non, je ne suis pas roi ! vainement j’ai naguère
Du trône, en ma fureur, précipité mon père.
Dans leur sang généreux me plongeant forcené,
Je suis de mes sujets le bourreau couronné !

ALY, à part.

Dieu ! m’échapperait-il ? Ce transport qui l’anime…

BOABDIL, continuant.

À l’immortalité condamné par mon crime.
Trop illustre coupable, oui, je le sens, hélas !
Dans la postérité l’on ne m’oublîra pas.
Qu’ai-je fait, Dieu puissant ! dans ma funeste rage ?
Hier ! hier encor, les fils d’Abencerrage
Pouvaient, impatiens de triomphes nouveaux.
Fiers enfans du désert, marcher sous mes drapeaux,
Dans leur fraternité de force et de courage !
Hier !… et c’est demain, que le combat s’engage !
Et demain, pour répondre au belliqueux appel,
Se réveilleront-ils du sommeil éternel ?
Se rendront-ils encore à leur poste de gloire ?
Non ! retranchés pat moi des rangs de la victoire,