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ABENHAMET.

            Mon Dieu, ne peux-tu m’arracher la mémoire
De ces temps de bonheur où je n’aurais pu croire
Que celle que j’aimais dût préférer, un jour,
La couronne à mon cœur, la puissance à l’amour ?

ZORAÏDE.

Non ! vous ne croyez pas qu’hélas ! je les préfère ;
Qu’un trône, des grandeurs, sans vous puisse me plaire.
Vous le dites en vain, j’en atteste les cieux !
Vous ne le croyez pas : vous me connaissez mieux.

ABENHAMET.

Alors, à Boabdil pourquoi t’es-tu donnée ?

ZORAÏDE.

Pourquoi ? quand à l’autel où je me suis traînée,
J’ai pu, malgré mon cœur, l’accepter pour époux ;
Savez-vous, malheureux, qui m’y forçait ?

ABENHAMET.

                                                                              Qui ?

ZORAÏDE.

                                                                                        Vous !

ABENHAMET.

Moi ! comment ? qu’as-tu dit ?

ZORAÏDE.

                                                          Oui, toi, dont la victoire
Avait, dans son caprice, osé trahir la gloire ;
Qui, vaincu, sans défense, allais, dans ton malheur,
Perdre, hélas ! à la fois l’existence et l’honneur.
D’impatiens bourreaux préparaient ton supplice ;
Eh bien ! je t’ai trahi : cet affreux sacrifice,