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Ce chant qui nous poursuit, plein d’énervantes fièvres,
A fait se rapprocher ma bouche de tes lèvres ;
Parce qu’au fond de moi sans doute il est resté
Un peu des pesanteurs de l’univers quitté,
Mon front penche, surpris d’ivresse et de panique
Au doucereux appel de la Chair tyrannique,
Et je te dis, sentant se heurter mes genoux :
« Regardons-les ! peut-être ils aiment comme nous... »
Mais ton œil, qui connaît le bon grain de l’ivraie,
Surprend l’ombre d’un jet de la lumière vraie,
Et l’Enfer, qui s’effare, apparaît dans ce jour
Tout autre qu’il n’était, vu selon son amour.

Ce bétail attaché dans une herbée épaisse
De glaives et de dards sanglants, pour qu’il y paisse,
Ces ânes dont le bât a crevassé leur dos
Et qui buttent, chargés de coups sur les fardeaux,
Ces lynx maigres, dont flotte, ainsi que de vieux linges,
Le ventre, ces chacals chevauchés par des singes,
Ces porcs, sale troupeau gras d’ordures, qui sent,
Palpe et mange sa fange en se réjouissant,
Ce sont les empereurs, les évêques, les princes !
Un roi qui grossissait d’empires ses provinces,