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d’affaire par une plaisanterie de gendarme, et que je vais pouvoir m’en aller ; aussi je me mets à rire en disant :

« Bah !

— Ne riez pas ! Qu’est-ce qui fus a cassé ces deux dents ?

— On ne m’a jamais cassé la moindre dent. On m’en a arraché cinq.

— Allons tonc ! La gentarmerie ne se laisse bas mettre tetans. Ah ! la brigate n’a blus maintenant qu’à fifre de ses rentes. Il y a tix ans gue che fus cherche, mon cher ! — Quand che tis : mon cher, fous pensez pien que c’est une façon de parler. On ne dit pas : mon cher ! à une fichue canaille comme vous. »

Je vois que l’accusation de Judaïsme devient sérieuse ; mais où ma stupeur augmente, c’est quand je vois Thessein étaler devant moi ses pièces de conviction.

« Fus n’afez que soixante-un francs tans fotre porte-monnaie. Qu’avez-vous fait des mille francs que vous avez reçus il y a trois jours ?

— Quels mille francs ?

— Les mille francs qui étaient dans cette lettre.

— Mais il n’y avait que cent vingt francs.

— Allons donc ! quand il y a cinq cachets sur une lettre, il ne peut y avoir moins de mille francs dedans. »

Je regarde Thessein, ne sachant plus si j’étais fou, ou s’il l’était. Je reste anéanti devant la calme bêtise de sa figure. Alors un misérable, qui s’est dit être le distributeur de la poste aux lettres de Bocognano, confirme l’affirmation de Thessein. Tous deux font semblant de