Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



À RONSARD


Afin d’oublier cette prose
Dont notre siècle nous arrose,
Mon âme, courons au hasard
Dans le jardin où s’extasie
La vive et jeune poésie
De notre vieux maître Ronsard !

Père de la savante escrime
Qui préside au duel de la rime,
Salut ! Nous avons soif de vers ;
La Muse française engourdie
Se débat sous la maladie
Qui gangrène les pampres verts.

Tu fis passer la fraîche haleine
De ta blonde maîtresse Hélène
Dans tes Odes, comme un parfum,
Et tu jetas les pierreries
Qui constellaient tes rêveries
Avec faste, aux yeux de chacun I

Que t’importaient les bruits du monde !
Que t’importait la terre immonde,
Chantre éternellement ravi ?
Pourvu que ta mignonne rose
Allât voir sa sœur fraîche éclose,
Ton désir était assouvi.