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rompu la vieille entrave de l’école, il a mis en liberté la pensée ; à l’pde, il a rendu ses ailes d’aigle ou de rossignol ; il a fait du roman l’épopée moderne ; du ventre de la tragédie morte, il a tiré le drame vivant ; dans un ordre d’idées plus humble en apparence, — en apparence seulement, — il a quadruplé le nombre des mots en usage dans ce qu’on appelait la langue noble, — sans néologisme cependant, car le néologisme est hideux, — exhumant les expressions des époques naïves, acceptant les termes populaires de l’époque nouvelle ; enfin il a réalisé notre admirable vers français, que Ronsard avait entrevu, que Corneille avait voulu, que Chénier avait rêvé, ce vers peu compris peut-être par les oreilles étrangères et inconsidérément calomnié, qui, souple et divers, harmonieusement nombreux et propre à s’emplir de choses comme le vers métrique d’Homère et de Lucain, en outre porte à sa cîme, comme une bannière claquante, sa retentissante rime, multiple, innombrable, et dont l’effet, personnel à notre langue, manque à toute autre poésie que la nôtre. En un mot Victor Hugo a découvert un Nouveau Monde poétique.