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langage ou de rythme, par l’insuffisance dans l’expression et surtout par l’incohérence des images ! Il n’y a rien de plus fastidieux, de plus désolant, cela est évident, qu’un poète froidement correct, mais il est sûr aussi qu’une faute de français annule le plus beau vers.

Une autre raison me porte à craindre que l’œuvre de Lamartine et l’œuvre de Musset, moins durables que la gloire de leurs noms, ne survivent pas immortellement. J’entends leur coutume de hasarder sans cesse leurs personnalités dans leurs poésies. Toujours hautaine et presque religieuse chez l’un, tour à tour enthousiaste ou ironique, passionnée ou désillusionnée chez l’autre, la personnalité chez l’un et chez l’autre déborde, s’impose, veut qu’on s’inquiète sans cesse d’elle seule. Sans doute il sied, il est indispensable que chaque artiste marque ses créations d’un sceau spécial, et celui qui peut être confondu avec quelqu’un n’est pas quelqu’un lui-même. Mais ce n’est pas de l’égotisme continu que doit résulter l’originalité. Un véritable poème n’a que faire d’être une autobiographie, et, au contraire de ce que dit le proverbe, la poésie, cette charité suprême que les esprits font à la foule, la poésie