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raît d’un peu loin déjà toute baignée d’un vague brouillard lumineux. Pourquoi la voyons-nous peu à peu décliner et décroître à l’horizon des esprits ; pourquoi, sans être ancienne, semble-t-elle peut-être vieillie ? En un mot, pourquoi l’œuvre poétique de Lamartine, depuis quelques années surtout, est-elle moins lue, sinon moins admirée ? Le moment n’est pas éloigné peut-être où quelque impertinent, que nous blâmerons tous, osera ne voir en elle qu’un volumineux recueil de romances pour les anges, pour les anges, sans doute, mais de romances enfin. Quoi ! de telles irrévérences au prophète rêveur des Méditations religieuses. Nous espérons que ces outrages lui seront épargnés. Mais il est certain que lentement, insensiblement, un silence ingrat se fait autour de son œuvre autrefois tant acclamée. Ah ! c’est que Lamartine dédaigna de soumettre ses prodigieuses facultés natives à la discipline jalouse de l’art. Cette vaste rêverie qui s’épandait généreusement de son âme, il ne la domina pas, ne la régla pas, la laissa pour ainsi dire irréalisée.

Or, l’art ne suffit pas sans doute à faire vivre une œuvre, car il y faut l’inspiration ou le génie ; mais sans l’art qui, dans son essence, se modifie