Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Ses seins noirs et luisants, dressés sur sa poitrine,
Ont l’air des deux moitiés d’un boulet de canon ;
Aux coins de son nez plat, passe dans la narine,
Pendille, — et c’est ma joie ! — un fragment de chaînon.

Ses cheveux courts, tressés, ont l’aspect de la laine ;
Sa prunelle se meut, noire, sur un fond blanc.
Humide, transparent comme la porcelaine ;
Et son regard vous suit, placide, doux et lent.

Ses membres sont ornés de bracelets de graines
Éclatantes ; elle a des joyaux plus coquets :
Pour lui faire un manteau comme en portent les reines,
J’ai tué dans les bois plus de cent perroquets !

Moi seul l’ai tatouée ! et moi seul sur sa joue
Ai peint en vermillon de bizarres oiseaux,
Ou bien, à l’ocre jaune, une charmante roue.
Chef grave, j’ai construit son ombrelle en roseaux

Pour vos maigres tailleurs j’ai gardé peu d’estime
La peau d’un buffle noir enveloppe mes reins,
Et sur son cuir tanné j’inscris chaque victime
De mazagaie où flotte une touffe de crins !