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croîtra encore, du poète des Épreuves ? de l’homme qui mieux qu’aucun autre, oui, mieux qu’aucun autre ! a mystérieusement chanté dans une langue douce et claire comme un crépuscule toutes les amères angoisses de l’âme qui cherche l’amour, de l’esprit qui cherche le beau ? — et souvent dans la chaîne harmonieuse de son vers il a étreint la fugace chimère. Toi, Sphinx, tu le redoutes, car tu sais bien avec quelle tendre et adroite patience il t’interroge et te confond. J’accorde, soit ! que l’auteur de La Justice, trop fréquemment, a essayé de faire entrer, par une effraction de rythmes, la science dans la poésie et pris l’expression technique pour l’expression précise. Mais qu’importe l’erreur d’un instant ? De toutes les œuvres poétiques des poètes nouveaux, celle de Sully Prudhomme, considérée dans son ensemble, est certainement la mieux faite pour troubler, charmer et par moments satisfaire la triste âme moderne assoiffée, quoi qu’on en dise, d’idéal et affamée d’impossible.

En dépit des quelques personnes qui en sont restées au Vase brisé, les poèmes de Sully Prud-