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Je veux vous lire aussi une page des Contes cruels, ce livre qui n’aurait pas d’analogue en France, si Baudelaire n’avait traduit les Histoires extraordinaires d’Edgard Poe. On y trouve à côté des plus exquises rêveries, des subtilités les plus profondes ou les plus ténues de la pensée, des contes d’une bouffonnerie froide et amère, « pince-sans-rire » comme disait l’auteur des Fleurs du mal. « Villiers de l’Isle-Adam, écrit M. Henry Laujol, aime la plaisanterie funèbre et féroce. Quelles secrètes souffrances, quelles longues rancunes, quelles vieilles haines extravasées n’a-t-il pas fallu pour que cet amant de la Beauté ait consenti à ces contorsions convulsives ! Par bonheur, un mot se trouve toujours au détour d’une page pour racheter la phrase mauvaise, et l’on découvre aisément, quand on a des yeux, le fonds de grande et sincère pitié qui est au cœur du poète. On se rappelle alors l’admirable parole de Sainte-Beuve à Baudelaire : « Vous avez bien dû souffrir, mon cher enfant. »

Pour rester absolument d’accord avec cette appréciation de M. Henry Laujol, il faudrait surtout vous lire les Demoiselles de Bienfilâtre,