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Comme il y a des demi-dieux dans les légendes religieuses, il y a dans la vie littéraire des demi-génies. Certes, ce ne sont pas des esprits qu’on doive dédaigner, ils sont noblement incapables des besognes inférieures. Tout le petit côté de l’art leur est une région interdite. Rien ne saurait les décider à concevoir, à écrire un quatrain, où à rimer un madrigal. Ils sont vraiment hautains, presque sublimes ; presque, seulement, ou pas toujours. Ils ressemblent à Shakespeare, à Milton, à Dante, à Victor Hugo, mais la ressemblance n’est que momentanée, il leur manque bien des choses, des choses qui ne sauraient être acquises, pour être véritablement ce qu’on croit qu’ils sont. L’équilibre dans leurs puissantes facultés intellectuelles, la continuité de l’inspiration leur font malheureusement défaut. Ils peuvent très souvent vous sembler admirables ; très souvent, ils le sont. Regardez de plus près : vous changerez d’avis quelquefois. S’ils n’avaient que du talent, ils sauraient ne pas paraître inférieurs. Mais ils ont du génie, rien que du génie, et pas assez. Leur chute s’augmente de l’élévation entreprise. — Et quelles angoisses sans doute dans ces âmes ! Sentir qu’on