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drés et conçus, la littérature ; aussi les dominait-elle tous. Ils devaient donc s’incliner devant elle et lui rendre grâces avec humilité. N’était-elle pas pleine de rythmes, et de rythmes plus merveilleux et plus nombreux que ceux afférents à la musique ; et, comme cette dernière, n’avait-elle pas, elle aussi, ses rondes, ses blanches, ses noires, ses croches, ses doubles et ses triples croches, ses andante, ses allegro, ses rugissements et ses soupirs ! On avait beau dire et beau faire, un vers cornélien serait toujours plus sculptural qu’une statue, et la ciselure des mots l’emporterait éternellement sur la ciselure des métaux ou des marbres, et les peintres ne tireraient jamais de leurs palettes que des couleurs bien ternes à côté de celles que le poète, lui, peut extraire de son écritoire. Examinez : ce mot n’est-il pas d’un ardent vermillon, et l’azur est-il aussi bleu que celui-là ! Regardez : celui-ci n’a-t-il pas le doux éclat des étoiles aurorales, et celui-là la pâleur livide de la lune ! Et ces autres, où s’allument des scintillations égales à celles des crinières inextricables des comètes ?… Et ces autres encore, en qui l’on découvre les arborescences splendides et prodigieuses du soleil ! Les aveugles, seuls, sont dans l’impossibilité de distinguer cela. L’écrivain, vous dis-je, est l’homme par excellence, le grand ouvrier : En écrivant, il dessine, il peint, il grave, il burine, il nielle, il émaille, ilsculpe, il pense, il chante, il rêve, il spécule, il aime, il hait, il fait toutes ces choses en n’en faisant qu’une seule ; il accomplit ces diverses fonctions en exerçant la sienne, qui les contient