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et du travail, avec ses cheveux longs, châtains, noirs et roux par endroits, avec sa face à la fois tendre et tourmentée qui lui donnait l’air d’on ne sait quel Christ damné !

Dès que nous nous connûmes, nous nous mîmes à collaborer. Pas de temps perdu en de sympathiques confidences, — bien que la sympathie fût déjà au fond de nos âmes, — ou en de frivoles causeries ! Une plume, de l’encre, du papier, tout de suite ! et faisons une pièce. Ce qui sortit de notre première entrevue prolongée jusqu’au matin, ce fut un scénario de drame. Ah ! quel drame. Je ne sais si Léon Cladel l’a oublié, mais je m’en souviens, — vaguement, à vrai dire. Il y avait, dès le premier acte, un incendie, deux duels, trois ou quatre enlèvements, et nous comptions énormément sur le vingtième tableau de l’ouvrage où le père de l’une des jeunes filles enlevées, messire Escabala, c’était un nom, j’espère ! devait s’arracher tous les poils de la barbe devant le public épouvanté et continuer sa tirade avec le menton sanglant. Quel effet ! vous voyez que nous étions des dramaturges passablement féroces. Edgar Poe, qui rêvait d’écrire un drame tel que, dès