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res solitudes de la misère parisienne. Ce n’était plus le temps des bohèmes souriantes que Murger a racontées, des pièces de cent sous empruntées avec une désinvolture fâcheuse, des éclats de rire les jours des termes non payés. La jeunesse nouvelle avait le noble orgueil de croire que la misère doit rester digne, dût-elle être plus misérable encore, et que, lorsqu’on souffre il faut pleurer seul et ne jamais rire en public. Donc la pauvreté qui se cache, qui mord ses poings à l’écart, c’était elle que connaissait Léon Cladel ; il devait en souffrir plus qu’aucun autre à cause de son tempérament violent et farouche, soupçonneux d’intentions cruelles. Paysan presque barbare, transporté en plein Paris avec des ambitions rudes et naïves, avec des besoins instinctifs de gloire, de justice et de grandeur, avec la boulimie encore inconsciente de l’art, il fut longtemps, au milieu de toute la vie à laquelle il ne se mêlait pas, comme le Robinson, mais un Robinson sauvage, d’une île où la multitude augmentait la solitude. Quand nous nous rencontrâmes, c’était un jeune homme superbe et terrible à voir, avec ses yeux fauves qui se sont adoucis depuis à cause de la rêverie