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L’explication du génit. tuənǰean տուըջեան de tiw տիւ « jour » est inconnue, comme aussi celle de l’espèce de locatif i tuē ի տուէ « le jour ». – Et l’on ne connaît même pas l’étymologie de giwł գիուղ « village », gén.-dat. gełǰ գեղջ, loc. giwl զիւղ ։

δ) Sort ultérieur de la déclinaison arménienne.

53. — Bien que résultant déjà d’innovations analogiques étendues et systématiques, le système de la déclinaison de l’arménien ancien n’était pas encore parvenu à un état d’équilibre durable.

Le singulier et le pluriel n’étaient pas parallèles, l’un distinguant là où l’autre confondait, et inversement ; par exemple le singulier confondait le nominatif et l’accusatif, et le pluriel les distinguait. Le -k’ –ք du pluriel provoquait des groupes de consonnes étranges et compliqués. Toutes les difficultés ont été levées par la substitution de collectifs aux anciens pluriels ; l’ancien arménien avait déjà quelques cas de ce fait : orear րեար « les gens », gén. oreroy որերոյ ; mardik մարղիկ « les hommes », gén. mardkan մարգկան, servant ordinairement de pluriel à mard մարգ « homme » ; mankti մանկտի « enfants » de manuk մանուկ « enfant » ; awagani աւագանի « grands » de awag աւագ « grand » ; xozean խոզեան « porcs » de xoz խոզ « porc » ; toutefois, en arménien classique, la valeur collective subsiste nettement et c’est erkuc̣ mardoc̣ երկուց մարդոց qui traduit δύο ἀνθρώπων (duo anthrôpôn) Jean VIII, 17. Le type en -ear –եար de orear որեար et celui en -ani –անի de awagani աւագանի sont devenus réguliers l’un dans les monosyllabes, l’autre dans les polysyllabes. C’est par là que la flexion du pluriel est devenue la même que celle du singulier, en arménien moderne comme dans les langues caucasiennes du sud, coïncidence frappante.

D’autre part, les divers types de déclinaisons ont des formes communes ; le nominatif-accusatif en particulier n’a une forme caractéristique dans aucun type ; au singulier, un thème en -i- et un thème en -a- ne se distinguent qu’à l’instrumental, tous les autres cas ayant même finale. Des confusions étaient donc faciles et on en rencontre dès l’ancien arménien : zawr զաւր « force », thème en -u- au génitif singulier zawru զաւրու, est thème en -a- au génitif pluriel zawrac̣ գաւրաց. Il en résulte que, au cours du développe-