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ma-yr մայր « mère ». En syllabe intérieure, *ə est tombé comme en slave, en baltique, en germanique et en iranien : dustr դուստր « fille », comme gāthique dug(ə)dā, v. sl. dŭšti, lit. dukter-, got. dauhtar en face de skr. duhi-tā́, gr. θυγά-τηρ.

Enfin la voyelle réduite qui apparaît parfois en alternance 
avec l’e et l’o indo-européens et qui est représentée en baltique par i (et u ?), en slave par ĭ (et ŭ ?), en latin par ă, donne en arménien a ; c’est celle de tasn տասն « dix », cf. russe (tri-)dcat’ « trente » de *(tri-)dĭsęti, v. h. a. (drī-)zug « trente ». De même la de layn լայն « large » représente probablement *l° de *pl°thə-, cf. gr. πλατύς « large », lat. planta, lit. splìsti « s’étendre ».

IV. SONANTES.

17. — Les sonantes indo-européennes *y, *w, *r, *l, *m, *n
 sont les phonèmes qui avaient la propriété d’être voyelles, consonnes ou seconds éléments de diphtongues. En arménien, comme dans la 
plupart des autres langues indo-européennes, le système des sonantes a été disloqué, et chacun des types, voyelle, consonne et second élément
 de diphtongue, a eu son traitement propre, si bien que par exemple
 l’ancien w consonne, l’ancien w voyelle (c’est-à-dire u) et l’ancien w second élément de diphtongue (dans *eu, *au, etc.) n’ont plus rien eu de commun. Cette dislocation du système des sonantes s’est accomplie indépendamment dans chacune des langues, et c’est une des 
choses qui ont le plus contribué à donner à chacune un aspect particulier.

1. Sonantes voyelles.

18.I.-e. *i, bref ou long, donne arm. i ի : elik‘ ելիք « il 
a laissé », cf. gr. ἔλιπε ; çin ցին « milan », cf. gr. ἰκτῖνος.

I.-e. *u, bref ou long, donne arm. u ու : dustr դուստր « fille », cf. gr. θυγάτηρ, lit. dukter- ; ku կու « fumier », cf. skr. gūthaḥ
 « fumier ».

I.-e. *ṛ donne arm. ar ար : arbi արբի « j’ai bu », cf. lat. sorbēre, lit. surbiù. — Ce qu’on est convenu de nommer *ṛ long indo-
européen (*ṝ) n’est qu’une combinaison de r et de ə, dans laquelle ə
 tombe en arménien ; il est donc impossible de dire si le ar de arm. armukn արմուկն « coude » répond à īr de skr. īrmáḥ « coude »,