Page:Meillet - Esquisse d'une grammaire comparée de l'arménien classique (1936).djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.
20

Par suite, tout mot arménien est, dès le début de l’époque historique, accentué sur la dernière syllabe, et cette accentuation a persisté jusqu’aujourd’hui dans la plupart des parlers ; mais, comme il arrive d’ordinaire quand l’accent frappe la dernière syllabe du mot, il s’est progressivement affaibli, et actuellement l’accent arménien est faible. — D’autre part, on observe en arménien moderne, outre l’accent principal de la fin de mot, un accent secondaire frappant l’initiale ; cet accent secondaire s’exerçait dès avant la chute de a intérieur qui s’est produite après la fixation de la langue classique ; en effet a ne tombe que s’il est entre la syllabe initiale et la syllabe finale du mot : en arménien de Cilicie au moyen âge, arm. cl. hawatam հաւատամ « je crois » est àvdám, ce qui suppose hàwatám ; *vàčaṙakaneár (pluriel de vàčaṙakan վաճառական « marchand ») vàǰṙgnér (en accentuant d’après la prononciation moderne), etc.

2o Quelques-uns des éléments vocaliques des syllabes qui précèdent la syllabe finale, accentuée, de l’arménien classique (ancienne pénultième) subissent des altérations.

α. — arm. i et u tombent, quelle que soit leur origine : sirt սիրտ « cœur », marmin մարմին « corps », patiw պատիւ « honneur », c̣ul ցուլ « taureau », anjuk անձուկ « étroit », etc. font au génitif srti սրտի, marmnoy մարմնոյ, patuoy պատուոյ, c̣lu ցլու, anjkoy անձկոյ ; le comparatif de hin հին « vieux » est hnagoyn հնագոյն ; de surb սուրբ « pur, saint » on a srbut‘iwn սրբութիւն « sainteté », srbel սրբել « purifier » ; le pehlevi nīšān « signe » emprunté dès l’époque des Arsacides devient nšan նչան, le pehlevi dusrav « qui a mauvaise réputation » donne de même dsrov դսրով « blâme » ; à béot. ϝίϰατι, lat. uīgintī, av. vīsaiti « vingt » l’arménien répond par k‘san քսան (de *gisán) et à lit. rúgiu « je rote », lat. ē-rūgō par orcam ործամ (de *orucám) « je rote, je vomis ». — Un i et un u non accentués ne subsistent régulièrement que dans deux cas : à l’initiale du mot devant une seule consonne et en hiatus. À l’initiale, իժ, « serpent », us ուս « épaule » font au génitif iži իժի, usoy ուսոյ ; l’i de l’ablatif imē իմէ « de quoi » subsiste dans la forme isolée, mais tombe après consonne dans zmē զմէ (de *z-imē) « pourquoi » ; quand i initial est suivi d’un groupe de consonnes, il tombe d’ordinaire, ainsi dans inč̣k‘ ինչք « choses », gén. ənč̣ic̣ ընչից, mais u subsiste souvent en cette position : ułt