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quent en grec, manquent aussi en arménien ; c’est le cas de la racine *sē- « semer » de lat. serō, sēuī, satus (le gr. ἵημι (hiêmi) « j’envoie » n’appartient pas à cette racine) et du mot « grain » : lat. grānum, got. kaurn, v. sl. zrŭno. Il arrive que l’arménien ait des mots en commun avec une ou deux langues indo-européennes seulement. Ainsi avec le sanskrit : ji ձի « cheval » (gén. jioy ձիոյ), skr. háyaḥ ; arew արեւ « soleil », skr. raviḥ ; erg երգ « chant », skr. arká- ; inj ինձ « léopard », skr. siṃhaḥ. Avec l’iranien : ayrem այրեմ « je brûle » où ayr- repose sur *ātēr-, cf. av. ātar- « feu ». Avec le baltique et le slave : glux գլուխ « tête », lit. galvà, v. sl. glava ; macanim մածանիմ « je me colle », cf. v. sl. mazati « enduire » (M. S. Լ. XIX, p. 122). Un même nom du « poisson » est propre à l’arménien jukn ձուկն, au grec ἰχθῦς (ichthus) et au lituanien žuvis.

Mais des relations particulièrement précises et nombreuses, dont quelques unes ont été signalées par M.  Holger Pedersen (art. Armenier du Reallexikon der Vorgeschichte d’Ebert), unissent les vocabulaires de l’arménien et du grec : ayc այծ « chèvre », gr. αἶξ (aix) ; ałam աղամ « je mouds », gr. ἀλέω (aleô), avec les dérivés aliwr ալիւր « farine », gr. ἄλευρον (aleuron) et aławri աղաւրի « moulin », gr. ἀλέτριος (aletrios) ; ard արդ « juste, maintenant », gr. ἄρτι (arti) ; ałbewr աղբեւր « source », gr. φρέαρ (phrear) ; anurǰ անուրջ « rêve », gr. ὄνειρον (oneiron), awr աւր « jour », gr. ἦμαρ (êmar) ; asr ասր « toison », gr. πόϰος (pokos) ; arar արար «  il a fait », gr. ἄραρε (arare) ; uranam ուրանամ « je nie », gr. ἀρνέομαι (arneomai) ; ep‘em եփեմ « je cuis », gr. ἔψω (epsô) (mais cf. § 15) ; erewim երեւիմ « je parais », gr. πρέπω (prepô) ; erastank‘ երաստանք « le derrière », gr. πρωϰτός (prôktos) ; erkar երկար « long », dor. δ(ϝ)ᾱρόν (d(w)āron) (§ 22) ; dalar դալար « verdoyant », gr. θαλερός (thaleros) ; kamurǰ կամուրջ « pont », gr. γεφῡρα (gephūra) avec une formation caractéristique en *-ūryā malgré la discordance de gr. -φ- (-ph-), arm. -m- –մ– (cf. B. S. Լ. XXII, p. 17) ; damban դամբան, dambaran դամբարան « tombeau », gr. τάφος, τάφρος (taphos, taphros) ; mawru մաւրու « marâtre », gr. μητρυία (mêtruia) ; całr ծաղր « rire », gr. γέλως (gelôs) ; jiwn ձիւն « neige », gr. χιών (chiôn) ; sin սին « vide », gr. ϰενός, ϰενεός (kenos, keneos) ; siwn սիւն « colonne », gr. ϰΐων (kïôn) ; sut սուտ « faux », gr. ψεῦδος (pseudos) ; heriwn հերիւն « alène », gr. περόνη (peronê). Ces correspondances lexicales sont complétées par des traits importants propres à la phonétique et à la morphologie des deux langues : prothèse vocalique constante devant r- initial (§ 20), mais fréquente aussi devant d’autres consonnes : anun անուն « nom »