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Chapitre VI.
LE VOCABULAIRE.

109. — Les mots arméniens forment souvent des groupes naturels dont il n’est pas toujours facile de déterminer les relations exactes, mais où la parenté est évidente au premier coup d’œil. Ainsi à côté de serem սերեմ « j’engendre » on trouve ser սեր, gén. plur. seriç սերից « γένος (genos) », seṙn սեռն « γνήσιος (gnêsios) », sermn սերմն « semence », serund սերունդ « postérité » serun սերուն « qui a la faculté de procréer ». Ces formations sont préhistoriques ; car d’un verbe tel que serem սերեմ « j’engendre » on ne tire plus en arménien classique des noms tels que ser սեր (gén. seri սերի), seṙn սեռն, sermn սերմն, etc. ; et en effet on se trouve sans doute ici en présence d’une ancienne racine indo-européenne, la même sans doute que celle de lat. creāre, et ces mots peuvent avoir été formés soit dès l’époque indo-européenne, soit à l’un des moments du long espace de temps compris entre la période indo-européenne et la fixation de l’arménien classique.

Le nombre des groupes de mots arméniens qu’on peut considérer comme étant d’origine indo-européenne ne va pas à quatre centaines. Ces mots ne sont d’ailleurs pas tous des mots indo-européens communs, et plus d’un, se retrouvant seulement dans une autre langue ou dans des langues géographiquement voisines, est suspect d’avoir eu un caractère dialectal dès l’indo-européen ou d’avoir été acquis après la séparation des langues. Il convient de signaler à cet égard certaines particularités.

Quelques mots qui sont communs aux langues de l’Europe, mais qui manquent à l’indo-iranien, se retrouvent en arménien ; les deux plus notables sont le nom du « sel » : arm. աղ et ałt աղտ, cf. v. sl. solĭ, got. salt, lat. sal, gr. ἅλς (als), et la racine du « labourage » : arm. arawr արաւր « charrue », cf. lat. arātrum, gr. ἅρατρον (aratron), lit. árklas, etc. D’autres mots qui se trouvent dans les langues du Nord et de l’Ouest de l’Europe, mais qui man-