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BARBE-BLEUE.

que ça veut dire. Ça veut dire que si, d’ici à huit jours, je n’ai pas brisé mon maître, le sire de Barbe-Bleue me brisera… et l’orage d’aujourd’hui veut dire que je ferai bien de me dépêcher… Il n’y a pas à hésiter… Brisons mon maître. C’est un sacripant, d’ailleurs, et sa chute me relèvera dans l’estime des honnêtes gens. (On entend le son du cor.) Qu’est-ce que c’est que ça ?… On dirait le cor du sire de Barbe-Bleue… Non, c’est le bruit du vent dans le corridor. (Il reprend.) Cinq femmes déjà sont entrées ici… Tous ces crimes chargent ma conscience… je ne veux pas en commettre de nouveaux. D’autant plus que, les cinq premiers m’ayant été bien payés, je ne vois pas la nécessité d’en commettre un sixième… j’ai de quoi vivre en honnête homme… Mon Dieu ! mon Dieu ! qu’est-ce donc que la vertu ?… ne serait-ce que la satiété ?… ce serait atterrant, atterrant, atterrant !… (On entend de nouveau le son du cor, plus rapproché, cette fois.) Mais non, je ne m’étais pas trompé. C’est bien le cor de Barbe-Bleue… Il vient ici… il est là !… que vient-il encore me demander ? Est-ce que déjà Boulotte, la malheureuse Boulotte ?…

On frappe trois coups à la porte du fond ; Popolani va ouvrir : Barbe-Bleue paraît. — Il est précédé par deux hommes d’armes portant des torches.


Scène II

POPOLANI, BARBE-BLEUE.
POPOLANI, saluant.

Monseigneur…

BARBE-BLEUE, d’une voix brève qu’il garde pendant toute la scène.

Tu es seul ?

POPOLANI, sombre.

Toujours seul !