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des[1] ? Dirons-nous ces séances singulières où les deux amis s’enfermaient dans la pièce aux rideaux fermés, et fumaient leur narguilé devant un grand feu, les « lumières flambant et les vers ronflant…, tandis que l’hippogriffe intérieur les faisait voyager sur ses ailes[2] » ?

Par amitié pour Flaubert, et en même temps par un sentiment de pieuse affection envers la mémoire d’Alfred Le Poittevin, Louis Bouilhet s’intéressa au jeune Guy de Maupassant. Il eut sur lui une influence qui aurait été décisive, si elle s’était prolongée plus longtemps. « Si Bouilhet eût vécu, disait Mme  de Maupassant, il eût fait de mon fils un poète. C’est Flaubert qui voulut en faire un romancier[3]. » Mais Bouilhet mourut le 18 juillet 1869, alors que son disciple doutait encore de sa vocation.

Maupassant a rendu quelque part hommage à l’enseignement de son premier maître :

Bouilhet, que je connus le premier d’une façon un peu intime, deux ans environ avant de gagner l’amitié de Flaubert, à force de me répéter que cent vers, peut-être moins, suffisent à la réputation d’un artiste, s’ils sont irréprochables et s’ils contiennent l’essence du talent et de l’originalité d’un homme, même de second

  1. Correspondance de Flaubert, tome II, p. 53 (lettre à L. Bouilhet du 9 avril 1851).
  2. Ibid., p. 31 (lettre à L. Bouilhet du 19 décembre 1850.)
  3. Mot rapporté par Albalat, loc. cit.