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sa carrure solide, son cou puissant de jeune taureau, toute l’énergie indomptable d’un « gourmand de la vie », comme il s’appelait lui-même à cet âge.

De plus, il puisa dans cette existence indépendante une connaissance profonde du peuple qu’il fréquentait et qu’il approchait de très près. Il vivait en complète intimité avec les pêcheurs et les paysans, choisissant ses camarades parmi eux, vivant de leur vie, partageant leurs dangers, prenant sa part de leurs plaisirs naïfs. Que d’histoires, qu’il devait conter un jour dans ses nouvelles, sont l’expression d’une humble réalité qu’il avait observée, notée, vécue peut-être par lui-même ! C’est qu’entre lui et ces enfants de pêcheurs dont il faisait ses compagnons, il n’établissait aucune distinction ; mais l’égalité absolue était de règle dans les jeux et dans les excursions auxquels il les associait. Voici une anecdote, contée par Mme de Maupassant, et qui montre avec quelle familiarité charmante, pleine de tact, il traitait les amis qu’il avait adoptés. Un jour, il avait projeté une partie avec un fils de pêcheur, Charles, et un jeune garçon d’une famille bourgeoise. La mère du jeune homme accueillit Guy de Maupassant avec amabilité, mais traita l’autre camarade avec hauteur ;

— Charles, dit-elle, portera le panier de provisions, naturellement.

Charles rougit de honte ; on le traitait en domes-