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tretat, s’étaient aperçus du changement. D’ailleurs Maupassant se soignait, modifiait son genre de vie, consultait des médecins, allait aux eaux et confiait à quelques intimes l’inquiétude qui le tourmentait, le traitement qu’on lui faisait suivre, les progrès de son mal.

Pendant l’été de 1886, lors de ce voyage en Angleterre dont nous avons rapporté quelques épisodes, Maupassant était dans un état de nervosité extrême ; ses brusques accès de gaieté exubérante, succédant sans transition à un abattement prolongé, frappèrent quelques-uns de ses compagnons de route ; il avait de furieuses colères suivies d’éclats de rire spasmodiques[1]. Ceux qui le virent en Sicile furent également très impressionnés par ses attitudes étranges, ses écarts soudains de tenue et de langage : les mystifications, auxquelles il s’était toujours complu, prirent à cette époque un caractère macabre, et ses conversations laissaient deviner l’incohérence intermittente de ses pensées. On fit tout le possible pour l’empêcher de visiter le cimetière des Capucins à Palerme ; mais une sorte d’enchantement pervers l’attirait invinciblement vers ce lieu d’horreur ; il voulut épuiser toute l’épouvante de ces lugubres catacombes ; il en sortit,

  1. A. Lumbroso, p. 596. « M. de Maupassant entra dans un tel état que nous craignîmes d’être arrêtés comme fous et je proposai de retourjier. »