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Comment aurait-il jugé certaines divulgations sur les années les plus douloureuses de sa vie, lui qui protesta violemment lorsqu’un éditeur imprudent s’avisa d’insérer son portrait dans un de ses livres[1] ? « Je me suis fait une loi absolue, déclara-t-il à ce propos, de ne jamais laisser publier mon portrait toutes les fois que je peux l’empêcher. Les exceptions n’ont eu lieu que par surprise. Nos œuvres appartiennent au public, mais pas nos figures[2]. » À plus forte raison Maupassant défendait-il sa vie privée contre les entreprises ingénieuses des journalistes en quête de copie, et la pensée que ses lettres ou ses papiers pourraient être divulgués un jour le tourmentait visiblement. Il en était arrivé à surveiller le ton de sa correspondance, à s’interdire ces boutades, ces accès d’éloquente franchise, ces confessions brutales qui font pour nous l’intérêt et le charme des lettres de Flaubert. Peut-être le sentiment de sa dignité littéraire lui inspirait-il cette pudeur ombrageuse ; ou, sans doute, la simplicité de son caractère s’effarouchait des curiosités posthumes ; à coup sûr, plu-

  1. Sur cette histoire, cf. p. 159 de la présente étude.
  2. Écrit en 1890, lettre publiée par A. Lumbroso, pp. 444-445 (hors texte).