doit point être une femme ordinaire, même parmi les amazones arabes. Je m’empressai de répondre :
« Pardonne si mes yeux ont pu t’offenser. Je ne suis pas habitué, dans ce pays, à rencontrer une femme telle que toi !
— Une femme portant des armes et tuant les hommes, n’est-ce pas ? Une femme qui commande à sa tribu ? N’as-tu jamais entendu parler de Ghalië ?
— Ghalië… répétai-je en cherchant dans ma mémoire, n’est-elle pas de la race des Begoum ?
— Oui ; tu la connais ?
— N’est-elle pas devenue le cheikh de sa tribu ? N’a-t-elle pas vaincu, près de Taraba, les troupes de Méhémet-Ali, commandées par Toûnsoûn-bey ?
— C’est cela. Tu le vois, une femme peut valoir un homme !
— Et le Coran ; que dit-il là-dessus ?
— Le Coran ! interrompit la voyageuse avec un mouvement d’impatience. Le Coran est un livre, et moi je porte le yatagan, le tufenk[1] et le djérid[2]. Auquel des deux crois-tu le mieux ? Au livre ou aux armes ?
— Aux armes. Je ne suis donc point un giaour, puisque j’ai la même croyance que toi.
— Tu crois aussi à ta force et à tes armes ?
— Oui, mais plus encore aux saints livres des chrétiens.
— Je ne les connais pas ; tes armes, je les vois. »
Ceci était un compliment, les Arabes jugeant l’homme par sa monture et ses armes, à moins que ce ne soit par sa pipe. La femme reprit :
« Qui de vous deux, de toi ou de ton ami, a tué le plus d’ennemis ? »
A ne considérer que le fourniment, Albani devait passer pour un foudre de guerre ; cependant j’étais bien persuadé que le brave homme n’avait jamais fait de mal à personne avec son terrible sarras ; malgré tout, pour ne pas trop m’avancer, je répondis modestement :
« Nous ne nous sommes jamais raconté nos aventures guerrières.