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Essais de sociologie

Une autre partie de la sociologie générale concerne les rapports que les faits sociaux ont avec les faits voisins. Or, du dernier point de vue, les rapports de la sociologie et des deux sciences immédiatement annexes, la biologie et la psychologie, deviennent visibles. Les connexions de la morphologie sociale, science du matériel humain, et de la biologie sont claires. Celles de la physiologie sociale avec la biologie le sont moins. Mais si l’on saisit que les phénomènes morphologiques sont le moyen-terme-cause, les raisons d’être, qui relient les idées et les actions sociales aux faits biologiques et inversement et ceux-ci aux idées, etc., tout s’éclaire. Une population a un idéal de beauté et se crée un type physique, par l’action de cet idéal sur le mariage, sur la natalité. Une population a un nombre déterminé de fous ; ces fous se suicident ou commettent des crimes suivant les saisons, suivant les quantités d’heures de jour, c’est-à-dire suivant l’action de la nature sur la longueur et l’intensité de la vie sociale. Nous ne citons que des faits bien connus.

On éclaire encore ainsi le rapport entre la psychologie et la sociologie. La psychologie des représentations, celle des actes et celle des caractères viennent se rapprocher non plus de tous les phénomènes sociologiques, mais de ceux des phénomènes sociaux correspondants : représentations et actes collectifs, caractérologie, etc. Et les problèmes de confins, si importants, où la psychologie et l’individuel jouxtent la sociologie et le social, se posent en termes de faits : ainsi ceux du langage, ceux des sentiments religieux, moraux, etc.


Citons enfin trois des parties de la sociologie générale qui, à notre avis, peuvent tout de suite bénéficier d’une méthode de ce genre. Ce sont : la théorie du symbolisme, celle de la raison et enfin celle des caractères collectifs. Les deux premières sont maintenant posées très généralement. La dernière était fort en vogue au temps de Taine. Elle est désuète maintenant, à tort à notre avis.

Le problème de la pensée, à la fois pratique et théorique, celui de son rapport avec le langage, le symbole et le mythe, celui du rapport de la science et de la technique trouvent ici leur place normale, exacte, parce qu’on peut les considérer tous ensemble.