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Essais de sociologie

à le décrire dans la mesure strictement nécessaire pour faire voir combien il concorde, dans ses principes généraux, avec ceux que nous avons décrits jusqu’ici.

Il est fait lui-même de plusieurs systèmes entremêlés.

L’un des principes les plus essentiels sur lesquels il repose est une division de l’espace suivant les quatre points cardinaux. Un animal préside et donne son nom à chacune de ces quatre régions. À proprement parler, l’animal se confond avec sa région : le dragon d’azur est l’Est, l’oiseau rouge est le Sud, le tigre blanc est l’Ouest, la tortue noire le Nord. Chaque région a la couleur de son animal et, suivant des conditions diverses que nous ne pouvons exposer ici, elle est favorable ou défavorable. Les êtres symboliques qui sont ainsi préposés à l’espace gouvernent d’ailleurs aussi bien la terre que le ciel. Ainsi une colline ou une configuration géographique qui paraît ressembler à un tigre est du tigre et de l’Ouest : si elle rappelle un dragon, elle est du dragon et de l’Est. Par suite, un emplacement sera considéré comme favorable, si les choses qui l’entourent sont d’un aspect conforme à leur orientation ; par exemple, si celles qui sont à l’Ouest sont du tigre et celles qui sont à l’Est sont du dragon[1].

Mais l’espace compris entre chaque point cardinal est lui-même divisé en deux parties : de là résulte un total de huit divisions qui correspondent aux huit vents. Ces huit vents, à leur tour, sont en rapports étroits avec huit pouvoirs, représentés par huit trigrammes qui occupent le centre de la boussole divinatoire. Ces huit pouvoirs sont d’abord, aux deux extrémités (le 1er et le 8e), les deux substances opposées de la terre et du ciel ; entre eux sont situés les six autres pouvoirs, à savoir : 1. les vapeurs, nuages, émanations, etc. ; 2. le feu, la chaleur, le soleil, la lumière, l’éclair ; 3. le tonnerre ; 4. le vent et le bois ; 5. les eaux, rivières, lacs et mer ; 6. les montagnes.

Voilà donc un certain nombre d’éléments fondamentaux classés aux différents points de la rose des vents. Maintenant, à chacun d’eux, tout un ensemble de choses est rapporté : Khien,

  1. La chose est d’ailleurs plus compliquée encore : dans chacune des quatre régions sont réparties sept constellations d’où les vingt-huit astérismes chinois. (On sait que beaucoup de savants attribuent une origine chinoise au nombre des astérismes dans tout l’Orient.) Les influences astrales, terrestres, atmosphériques, concourent toutes dans ce système, dit du Fung-shui, ou « du vent et de l’eau ».