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Essais de sociologie

le pélican comprend d’autres sous-divisions (sous-totems, espèces de choses classées sous le totem) parmi lesquelles se trouve le feu et le feu lui-même comprend, comme une sous-division du troisième degré, les signaux faits probablement à l’aide du feu[1].

Cette curieuse organisation d’idées, parallèle à celle de la société, est, à sa complication près, parfaitement analogue à celle que nous avons trouvée chez les tribus du Mont-Gambier ; elle est analogue également à la division suivant les classes matrimoniales que nous avons observée dans le Queensland, et à la division dichotomique suivant les phratries que nous avons rencontrée un peu partout[2]. Mais, après avoir décrit les différentes variétés de ce système d’une manière objective, telles qu’elles fonctionnent dans ces sociétés, il serait intéressant de savoir de quelle façon l’Australien se les représente ; quelle notion il se fait lui-même des rapports que soutiennent les uns avec les autres les groupes de choses ainsi classées. Nous pourrions ainsi mieux nous rendre compte de ce que sont les notions logiques du primitif et de la manière dont elles se sont formées. Or, nous avons, à propos des Wotjoballuk, des documents qui permettent de préciser certains points de cette question.

Comme on pourrait s’y attendre, cette représentation se présente sous des aspects différents.

  1. Le terme qu’emploient les individus qui composent cette sous-division du sous-clan pour se désigner signifie exactement : Nous nous avertissons les uns les autres (« Further Notes », J. A. I., p. 61). Si l’on veut avoir une idée exacte de la complexité de cette classification, il faut encore y ajouter un autre élément. Les choses ne sont pas seulement réparties entre les clans des vivants, mais les morts, eux aussi, forment des clans qui ont leurs totems propres, par conséquent leurs choses attribuées. C’est ce qu’on appelle les totems mortuaires. Ainsi quand un Krokitch du totem Ngaui (le soleil) meurt, il perd son nom, il cesse d’être ngaui pour devenir mithagrargr, écorce de l’arbre mallee (Howitt, « Further Notes », J. A. I., XVIII, p. 64). D’autre part, entre les totems des vivants et ceux des morts, il y a un lien de dépendance. Ils entrent dans le même système de classification.
  2. Nous laissons de côté l’action que peut avoir eue la division des individus en groupes sexuels nettement différenciés sur la division des choses en genres. Et cependant, là surtout où chaque sexe a son totem propre, il est difficile que cette influence n’ait pas été considérable. Nous nous bornons à signaler la question après M. Frazer (voir Année sociologique, 4, p. 364).