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Essais de sociologie

Ainsi tous les groupes s’imbriquent les uns dans les autres, s’organisent les uns en fonction des autres par des prestations réciproques, par des enchevêtrements de générations, de sexes, par des enchevêtrements de clans et par des stratifications d’âges.

Il est beaucoup plus facile de comprendre maintenant comment une discipline, une autorité, une cohésion peuvent se dégager. Au contraire, quand on ne considère que deux clans complètement amorphes, on pourrait supposer quelquefois par exemple dans la Nouvelle-Guinée, l’Amérique du Nord, dans une partie de l’Afrique, la société divisée en deux camps presque complètement opposés. Pour faire comprendre la moralité compliquée qui résulte de ces complications après tout naturelles et simples, prenons pour exemple un fait que M. Labouret et ses informateurs indigènes ne comprennent plus très bien. Vous les trouverez dans un livre que publie en ce moment l’Institut d’ethnologie sur les Tribus du groupe Lobi (Haute-Volta).

Je crois que M. Labouret décrit un fait très important que nous soupçonnions déjà ; quelque chose du genre des classes matrimoniales australiennes en Afrique ou, ce qui est un peu la même chose, une organisation quadripartite de la tribu (deux phratries divisées en deux chacune, sans doute par génération) ce que M. Labouret appelle des clans alliés deux à deux. Il n’a pu, malgré de nouvelles enquêtes sur le terrain, retrouver ni l’exogamie de ces clans, ni leurs unions matrimoniales. Dans ces tribus ils sont divisés en A et B, subdivisés en A1 et A2, B1 et B2. À mon avis ils étaient autrefois tous dans des relations de beaux-frères ou de beaux-pères les uns par rapport aux autres. (C’est en tout cas le cas à Ashanti.)

Quand A2 est en bataille avec B2, ce sont les B1 qui arrêtent la bataille des A2 ; les B2 arrêteraient celle des A1. Ce sont les interventions de beaux-pères et de gendres qui sont seules permises. Les beaux-frères et frères sont, eux, dans la bataille des clans selon mon avis. En tous cas les alliés sont les seuls qui ont le droit de dire leurs vérités à tous les gens de la génération antérieure ou postérieure ; les autres en état de constante opposition les uns vis-à-vis des autres gardent le quant à soi, l’étiquette. On pourrait dire, dans ce cas, qu’il y a un droit de police d’une génération sur une autre génération, de l’autre phratrie dans un sexe déterminé et un droit de communauté à l’intérieur d’une génération de deux phratries. Cette institution identifiée dans toute