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Essais de sociologie

PREMIÈRE PARTIE

Phénomènes généraux de la vie
intrasociale.

Supposons connus tous les phénomènes spéciaux sociaux d’une société, en particulier : les phénomènes morphologiques et parmi ceux-ci, les phénomènes démographiques (nombres, répartitions par âge et par sexe, mouvements de la population, etc.), les phénomènes linguistiques (en particulier les notions qu’on peut en tirer sur la mentalité collective du peuple visé) ; supposons connus et les formes générales de la vie politique et morale (voir plus haut), et généralement chacun des autres systèmes de faits sociaux et leurs rapports entre eux : religion, économie, techniques, sciences, etc. ; — restent à étudier au moins deux groupes de faits : la solidité du tout, la perpétuité du tout : 1. la cohésion sociale et l’autorité qui l’exprime et la crée ; 2. la tradition et l’éducation qui la transmettent de génération en génération.


LA COHÉSION SOCIALE

1. Cohésion sociale proprement dite

Une société se définit elle-même de deux façons :

a) Par elle-même : par le nom, par les frontières, par les droits qu’elle se donne sur elle-même et sur son sol (la langue, le respect de l’État, la civilisation, la race n’étant pas nécessairement nationaux), par sa volonté d’être une, par sa cohésion propre, par sa limitation volontaire à ceux qui peuvent se dire nous et appeler les autres : les autres, les étrangers, barbares, hilotes et métèques, tandis qu’ils s’appellent eux-mêmes « les hommes », les patrices et les eupatrides. Cette cohésion générale se traduit matériellement par : la frontière d’une part, la ou les capitales de l’autre, s’il y a lieu ; mais en tout cas par la sensation