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l’avenir de l’intelligence

l’Intelligence et la disputer aux sollicitations de l’Argent.

Changeons ici notre point de vue. Regardons chez nous du dehors, avec des yeux d’Allemand ou d’Anglais : si la France du second empire, gouvernement d’opinion, eut un rôle passif vis-à-vis de l’Argent et se laissa tromper par lui, l’Angleterre et l’Allemagne, gouvernements héréditaires, exercèrent sur lui un rôle actif et l’intéressèrent au succès de leur politique. Elles se servirent de lui, elles ne le servirent pas. En le contraignant à peser sur l’Intelligence française, qui pesa à son tour sur l’Opinion française, elles le firent l’avant-garde de leur diplomatie et de leur force militaire. Avant-garde masquée, ne jetant point l’alarme, et d’autant plus à redouter.

Même à l’intérieur de l’Allemagne ou de l’Angleterre, l’argent guidé par la puissance politique héréditaire obtint la même heureuse influence sur l’Opinion. M. de Bismarck eut ses journalistes, sans lesquels il eût pu douter du succès de ses coups les mieux assénés. Le coup de la dépêche d’Ems suppose la complicité enthousiaste d’une presse nombreuse et docile : il donna ainsi le modèle de la haute fiction d’État jetée au moment favorable, et calculée pour éclater au point sensible du public à soulever.

Les journalistes démocrates qui répètent d’un ton vainqueur qu’on n’achète pas l’Opinion, devraient étudier chez Bismarck comment on la trompe.