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asservissement

et persuasive qu’on la suppose, n’est absolument défendue contre le soupçon de céder, directement ou non, à des influences d’argent. Tous les faits connus, tous ceux qui se découvrent conspirent de plus en plus à représenter la puissance intellectuelle de l’orateur et de l’écrivain comme un reflet des puissances matérielles. Le désintéressement personnel se préjuge parfois ; il ne se démontre jamais. Aucun certificat ne rendra à l’intelligence et, par suite, à l’Opinion l’apparence de liberté et de sincérité qui permettrait à l’une et à l’autre de redevenir les reines du monde. On doute de leur désintéressement, c’est un fait, et, dès lors, l’Intelligence et l’Opinion peuvent ensemble procéder à la contrefaçon des actes royaux : c’en est fait pour toujours de leur royauté intellectuelle et morale.

Elles seront toujours exposées à paraître ce qu’elles ont été, sont et seront souvent, les organes de l’Industrie, du Commerce, de la Finance, dont le concours est exigé de plus en plus pour toute œuvre de publicité, de librairie, ou de presse. Plus donc leur influence nominale sera accrue par les progrès de la démocratie, plus elles perdront d’ascendant réel, d’autorité et de respect. Un écrivain, un publiciste donnera de moins en moins son avis, dont personne ne ferait cas : il procédera par insinuation, notation de rumeurs « tendancieuses », de nouvelles plus ou moins vraies. On l’écoutera par curiosité. On se laissera persuader machinalement, mais sans lui accorder l’estime. On soupçonnera trop qu’il n’est pas libre dans son action et qu’elle est « agie » par des ressorts inférieurs. Le