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13. L’industrie littéraire.


Pour les mieux voir, supposons-nous plus jeunes d’un siècle et demi environ. Supposons que, dans la seconde moitié du xviiie siècle, le monde des ducs de Brécé, avec la clientèle à laquelle ils donnaient le ton de la mode, se fût détourné des plaisirs de littérature et de philosophie. Cette défaveur se serait traduite tout aussitôt par ce que nous appellerions aujourd’hui une crise de librairie. Constatons que rien de pareil ne s’est produit de nos jours, sauf depuis une dizaine d’années et pour des causes qui n’ont guère à voir avec tout ceci ; dans la seconde moitié du xixe siècle, les personnes de qualité ont pu renoncer au livre ou se mettre à lire plus mollement sans que la librairie en fût impressionnée. Ces personnes ne forment donc plus qu’un îlot négligeable dans l’énorme masse qui lit.

Et cette masse lit parce qu’elle a besoin de lire, d’abord en vertu des conditions nouvelles de la vie qui l’ont obligée à apprendre à lire. Ayant appris à lire, elle a dû chercher dans cette acquisition nouvelle autre chose que le moyen de satisfaire à la nécessité immédiate ; elle a demandé à la lecture des