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l’avenir de l’intelligence

simplicité de vie disparaît. Qui possède est nécessairement amené à prendre sa part des infinies facilités d’usufruit qui le tentent. Ce n’est pas simple désir de jouir, ni simple plaisir à jouir ; c’est aussi habitude, courant de vie, entraînante contagion. Ce progrès dans le sens de l’abondance ne pouvait d’ailleurs se produire sans de nombreuses promotions d’hommes nouveaux aux bénéfices de la vie la plus large, ces promus ne pouvaient manquer aux habitudes de faste un peu insolent qui, de tout temps, les ont marqués.

Mais, trait bien propre à ce temps-ci, le faste n’est plus composé, comme autrefois, d’un certain nombre de superfluités faciles à dédaigner ni des objets du luxe proprement dit. Le nouveau luxe en son principe fut un accroissement du confortable, un aménagement plus intelligent de la vie, le moyen de valoir plus, d’agir davantage, la multiplication des facilités du pouvoir. Pour prendre un exemple, comparez donc un riche d’aujourd’hui en état de se déplacer comme il le veut à cet homme prisonnier du coin de son feu par économie ou par pauvreté ; la faculté de voyager instituera bientôt des différences personnelles : bientôt, au bénéfice du premier, que de supériorités écrasantes !

On se demande ce que fût devenue l’ancienne société française si elle s’en était tenue à ses vieilles mœurs.

Ou se résorber dans les rangs inférieurs, ou se plier à la coutume conquérante, elle ne put choisir qu’entre ces deux partis. Pour se garder et pour conserver crédit ou puissance, il lui fallut adopter à bien des