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invocation à minerve

flûte savante qui accompagna les chanteurs. Mais il sied de te rendre une justice plus complète. La charrue, le vaisseau, le double pressoir, la navette, les murailles des villes et celle du toit familier, le pavé des chemins, les conduites de l’eau, les métaux devenus dociles, il n’y a rien du matériel primitif que le genre humain ne t’ai dû.

Ce que la tradition te refuse, ou ce qu’elle attribue à d’autres inventeurs, la réflexion qui nous ressaisit te le rend. Mais elle fait bien voir que nos derniers trésors sont également ton bienfait. Qu’il s’agisse de détruire ou d’édifier, l’ingéniosité, l’audace, la patience, l’heureux concept, cela est tien. Ce qu’on nomme progrès n’est que la conséquence d’impulsions que tu nous donnas. S’il est certain que l’invention du labourage ou l’idée de se confier aux forces des eaux ont mérité sans doute une admiration plus profonde que l’appareil de la télégraphie sans fil, celle-ci n’est point méprisable : j’y reconnais tes mains sublimes, ma déesse. La découverte occupe, elle exerce, elle amuse, et si le succès la couronne, elle rendra aux hommes des services inattendus. Fidèle compagne d’Ulysse, ô trois fois chère au genre humain, sois bénie de ta compassion ! Un impie seul te refusera son tribut.

Un impie ne peut être que l’esclave de sa paresse ! Il ne te connaît pas. Il ne sait point le vol suave des moments de la vie qui s’écoulent sous ton autel : leur nombre est infini ; cependant, ils se meuvent ! les abîmes qu’ouvre le Temps se laissent franchir. L’œuvre a beau varier, ton ouvrier participe des durées éternelles. Son effort, tant il est facile, est une grâce, et son plaisir, tant il est noble, une vertu. Content de soi ou, pour mieux dire, tout à fait oublieux de soi, l’homme que tu distrais se rue aux Heures éphémères sans en éprouver l’aiguillon.