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« Le prestige d’être bien soi ».


On peut débattre à l’infini sur le point de savoir qui, de la femme ou de l’homme, accuse la personnalité la plus forte. Ce qui n’est pas douteux, c’est que l’homme est, de beaucoup, le moins conscient. L’idée, le sentiment défini, l’image abstraite du moi ne se propose pas à l’intelligence virile avec autant de fréquence et de précision que dans un esprit féminin. Dire moi fait presque partie du caractère de la femme. Le moi jaillit à tout propos de son discours, non à titre d’auxiliaire, non pour la commodité du langage, mais avec ce cortège d’impressions personnelles et caractérisées qui signifient très exactement : moi qui parle, moi et nulle autre. Comme dit énergiquement la petite nonne du Visage émerveillé, le dernier livre de Mme de Noailles : « Moi c’est moi, et les autres sœurs sont les autres sœurs ! » Ne riez pas de cette admirable sentence. On n’a rien écrit de plus féminin. Dans le canon de la statuaire hellénique, les deux mains d’Aphrodite sont repliées dans la direction de son corps. D’un geste auguste et primitif, la vraie femme ramène à soi tout le ciel et toute la terre.

Les conversations impersonnelles, si communes