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la comtesse de noailles

Le poète abandonne semblablement les descriptions, auxquelles il s’appliquait jadis avec une méritoire constance, et ces héros obscurs du jardin potager, haricots, radis, fleurs de pois, auxquels était dévoué le premier volume[1] sont relégués en un second plan à peine sensible. Ce que l’auteur demande désormais aux arbres, aux buissons, à la nature entière, c’est d’exciter ses nerfs, d’extasier son rêve, de lui apporter l’occasion du mouvement passionné. À ce titre, les vraies fleurs, ces fleurs du vieux temps qui charmèrent tous les poètes, refleurissent dans le jardin qui leur avait préféré des légumineuses. En l’absence des roses, jugées sans doute un peu trop simples, voici déjà brûler dans l’air amoureux de la nuit « l’héliotrope mauve aux senteurs de vanille ». À la description se substitue donc une émotion, mais élancée, autant que faire se peut, des régions les plus végétatives et les plus nocturnes de l’âme :

Mon âme si proche du corps !
… Mon âme d’ombre et de tourment
Et celle qui veut âprement
Le sang de la tendresse humaine !
… mes âmes désordonnées !

Ces petites âmes diverses, avides, curieuses, brutales, — un physiologiste dirait : ces petits centres

  1. C’était l’application littérale du programme démagogique de Hugo : Plus de mots sénateurs, plus de mots roturiers, etc. Encore Hugo ne fit-il pas tout ce qu’il prêchait. Mais l’esprit féminin veut de la logique.