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le romantisme féminin

pourrait être admirée dans un carton de Michel-Ange ! Ils ont cultivé l’épithète : il n’y en a pas une ici. Ils ont fait la chasse au vocable rare ; nul mot voyant dans ce distique ; sauf obole (et encore !) on pourrait tous les entendre chez la fruitière. Mais quelle noblesse d’agencement ! Quelle simplicité ! D’où nous vient ce génie-enfant qui a su concevoir l’abstrait au milieu d’écrivains qui se noyaient dans le flot du particulier ? Engendrée par un romantique, épousée par un romantique, quel est ce classique naissant ? Ah ! petit philosophe, petit sculpteur, ah ! grand poète, que d’espérances au creux des repos de ces deux grands vers !

… On trouverait dans les revues et les journaux du temps des témoignages plus précis de cette admiration d’un très petit nombre de têtes attentives.

En durant, en se motivant, cet enthousiasme a perdu de la surprise première. Le curieux accident arrivé à Mme  de Régnier ne s’expliquait point mal par le poids réuni de l’influence, de l’éducation et de la tradition qu’on reçoit dans ce pays-ci. L’histoire universelle ne cite pas de trésor intellectuel et moral qui puisse être égalé à l’ensemble des faits acquis et des forces tendues représenté par la civilisation de la France. La masse énorme des souvenirs, le nombre infini des leçons de raison et de goût, l’essence de la politesse incorporée au langage, le sentiment diffus des perfections les plus délicates, cela nous est presque insensible, à peu près comme l’air dans lequel respire et va notre corps. Nous ne saurions nous en rendre compte.