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renée vivien

maternel construit leur univers en forme de berceau, tout n’y doit conspirer qu’à recevoir leurs fruits. Superstition, sans doute ! La superstition les complète. Une femme sans superstitions n’est qu’un monstre. On observe, non sans plaisir, que, entre toutes ses diableries, Renée Vivien n’a pas songé à se faire esprit fort. Un saint homme murmure : — Voilà ce qui la sauvera… C’est, du moins, l’élément le plus naturel de cet art si profondément féminin.

De s’être dit : Qui sait ? elle frissonne et nous frissonnons avec elle. Elle a fait son devoir, et nous faisons le nôtre, qui est de recevoir, par les sens de la femme, l’impression de l’inconnu et de l’inexpliqué. Où Vigny et Baudelaire nous condamnaient à rire d’eux, avec tous les respects qui se doivent à de grands noms, nous sommes bien contraints de subir et de reconnaître ici de rudes parfums de nature. Nous découvrons de nouveaux cieux. Sans les pénétrer fort avant, nous ne pouvons plus les nier.

Elargissez un peu le thème ; qu’il devienne plus général, tout en demeurant essentiel au cœur de la femme : l’auteur de Cendres et poussières menacera d’éclipser ses meilleurs modèles, en raison de la nudité de la plainte et de la révolte. Baudelaire avait indiqué en termes abstraits la « peur de vieillir », mais son frémissement apparaît un simple exercice de rhétorique en comparaison de Renée Vivien, quand elle imagine la fin de beautés qui font son bonheur. Rien d’échevelé. Un trait net. Mais c’est le chœur des regrets, des effrois et des désespoirs féminins. Jamais,