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le romantisme féminin

« Ô soir, toi qui ramènes tout ce que le lumineux matin a dispersé, tu ramènes la brebis, tu ramènes la chèvre, tu ramènes l’enfant à sa mère… » Ou bien Sapho n’ajoutait rien, l’élégie suspendue, comme un commencement de reproche réfréné par l’orgueil et par la pudeur, ou bien c’était un trait déterminé et net, ressemblant un peu à ceci : « Tu ne ramènes plus mon Atthis [ou ma Gurinnô]. » Un soupir aussi, certes ! mais pour des misères prochaines et dont le sens général, humain et philosophe n’en était que plus apparent. Soupir plus vrai aussi, peut-être ! Le seul humain et pur. Aimer, ce n’est qu’aimer quelqu’un et toujours un peu malgré soi, mais, de quelque façon qu’on tortille l’analyse du cœur humain, aimer ne fut jamais, d’aucune manière, cultiver « l’amour de l’amour ». L’amour de l’amour tue l’amour. Mais n’en réservons pas le reproche à Renée Vivien. L’amour de l’amour est un des fléaux endémiques du romantisme.

L’amour du péché, en tant que péché, en est un autre, aussi fameux. Il se retrouve dans telle curieuse déformation de l’Antique. Une « faunesse » a « ravagé » et « saccagé » ses victimes, c’est-à-dire ses amants ou ses amantes. Notre peintre-poète la flagelle avec complaisance et délectation. Une « satyresse » est flétrie dans le même sentiment d’horreur et d’amour que Baudelaire avait conçu pour ses Femmes damnées :

   Sa fauve chevelure est semblable aux crinières
   Et son pas est le pas nocturne des lions