Page:Maurras - L’Avenir de l’Intelligence.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
177
renée vivien

que cet enfer partout la suit, qu’elle ne repose jamais et qu’elle s’agite sans cesse. Nulle étoile du soir ne vient lui dispenser la consolation de la paix.

Chose curieuse : dans cette rêverie aussi anti-grecque qu’il est possible, notre baudelairienne passe tout à côté de ce que j’appellerai la vérité saphique. Elle écrit une strophe entière pour évoquer la voix d’Éranna, les yeux de Gurinnô, les lèvres d’Atthis, le sein de Gorgô, ses délices ! Mais le sujet vrai à peine effleuré, un démon la ravit en pleine Asie mystique, dans la religion de Psyché :

Autour du foyer et de l’essor des flammes,
Le soir a versé le repos comme un vin.
Ah ! que ne peut-il, apaisant et divin,
              Réunir les âmes.
Que de souvenirs à la chute du jour !
Songeant aux sanglots assoupis vers l’aurore,
Comment ai-je su garder vivant encore
              L’amour de l’amour !

Que de souvenirs à la chute du jour ! Aucun lecteur n’aura la folie de bouder à ce grand soupir. Mais il serait plus beau tout seul. Il serait meilleur, exhalé de la maison de Renée Vivien, de l’angle d’un foyer moderne, loin des rythmes impérieux et des graves leçons de la beauté classique. Cette beauté proteste contre le voisinage et le rapprochement. Elle réprouve tant de langueur, de mollesse, de trouble et inquiet mouvement. Non, ce n’est pas ainsi que la lesbienne à chevelure d’hyacinthe avait pu conclure sa plainte du soir. Celle-ci se reconstitue et se complète tout seule :